Ma conférence de 2007 (texte)

Dysgraphie et précocité

Il n’est pas aisé de traiter de questions complexes en peu de temps. Je vais cependant tenter de relever le défi et m’efforcer d’être aussi  concrète que possible en adoptant une approche et un point de vue de praticienne.

Constat : Les enfants, les jeunes, et même les adultes que je reçois sont 8 fois sur 10, des précoces ou de très doués, 9 fois sur 10 des garçons, 4 fois sur 10 des gauchers.

Donc, il y a un lien entre dysgraphie et précocité et entre dysgraphie et genre masculin, je ne traiterai que la 1ère proposition.

La précocité est un bonheur, écrire est un plaisir, voire une jouissance. Si ce n’est pas le cas et je constate que ce n’est jamais le cas pour mes patients, alors il faut que cela tente de le devenir. C’est ce à quoi, en tant que graphothérapeute, je m’efforce et, je parviens, à des degrés divers.

Avant de clarifier quelques notions et de préciser mon approche de la graphothérapie, et pour me présenter,  j’ai mis  sur écran des écritures d’enfants et de jeunes dits précoces, qui m’ont été adressés, afin de montrer comment ces écritures ont évolué au cours de la rééducation.

Donc, la graphothérapie, c’est ce qui permet à l’écriture telle que vous la voyez en haut de la page de devenir celle qui est en bas de la page.

Tous les enfants dont vous avez vu l’écriture, étaient dysgraphiques.

  • Que désigne-t-on sous le vocable de dysgraphie ?

 Est dysgraphique tout enfant dont la qualité de l’écriture  est déficiente alors qu’aucun déficit neurologique important ou intellectuel n’explique cette déficience.

Il y a dysgraphie :

– soit quand l’écriture est trop lente pour suivre le rythme de la pensée du scripteur,

– soit quand elle n’est pas assez lisible pour lui permettre de communiquer une idée à autrui ou même de se relire lui-même,

– soit quand elle est une entrave à un développement scolaire normal,

– ou bien encore quand elle ne correspond pas à l’idée que le scripteur se fait de lui-même ou de l’image qu’il voudrait donner.

Plus simplement, il y a dysgraphie, si l’écriture est d’une manière anormale : lente, fatigante, difficile à produire ou insuffisamment lisible.

Il est possible de réduire ou de faire disparaître ces différents troubles. C’est à ce quoi les graphothérapeutes s’appliquent. (mais il est préférable de parler de dysgraphies au pluriel, car, comme vous l’avez vu, parce qu’il en existe plusieurs types). Le symptôme de la dysgraphie le plus facile à percevoir est le décalage entre l’âge chronologique de l’enfant et son stade de développement calligraphique.

Pour mieux comprendre les problèmes de dysgraphie, il est utile de rappeler les 3 grands stades d’évolution de l’écriture.

Le stade pré-calligraphique démarre la 1ère année de l’école primaire, l’enfant n’est alors pas encore capable de respecter les exigences  de la calligraphie : ( un exemple pour chaque  stade avec commentaires) ?

  • [les traits droits sont cassés, arqués, tremblés, retouchés,
  • les courbes sont cabossées, anguleuses, le geste est mal ajusté à la trajectoire,
  • la dimension et l’inclinaison des lettres restent mal contrôlées,
  • les liaisons entre les lettres sont difficiles ou maladroites,
  • la ligne de base ne parvient pas à être droite : elle monte, se casse, ou descend exagérément,
  • les marges sont mal aménagées, absentes, inégales, ou bien excessives.]

Ce stade a une durée plus ou moins longue selon les enfants, mais normalement il dure entre  2 et 4 années. Les enfants qui ne parviennent pas à dépasser ce stade développent une dysgraphie.

Le stade calligraphique : au cours d’une 2ème  étape, l’enfant parvient à une sorte d’équilibre graphique, marqué par une relative maîtrise du geste : c’est ce stade calligraphique que tous les enfants n’atteignent pas.

Le stade post-calligraphique commence vers 10 et 12 ans, le scripteur cherche et parvient, la plupart de temps, à lier les lettres de manière plus efficace et plus rapide, l’écriture se personnalise. A ce moment-là, c’est l’exigence de vitesse qui peut affecter l’écriture si la maîtrise du geste n’a pas été solidement acquise dans les années précédentes.

Vous avez vu pusieurs types de dysgraphie, sur les écrans précédents sachant que l’on trouve rarement un type à l’état pur, mais plutôt des associations de plusieurs caractéristiques dans une écriture, par exemple la maladresse règne dans presque toutes les écritures dysgraphiques, sauf peut-être dans l’écriture lente et précise. (5 exemples : raides, impulsifs, maladroits, mous, lents et précis).

Je voudrais m’attarder quelques instants, sur une certaine forme de dysgraphie : les  lents et précis.

(Lents et précis) Cette forme de dysgraphie est aussi handicapante que les autres car elle ne permet pas à l’enfant de suivre le rythme normal de la classe, mais c’est une difficulté qui crée le plus de malentendus dans les classes et les familles. L’enfant sait former les lettres, donc il est parfois taxé d’être de mauvaise volonté quand il ne finit pas son travail. Beaucoup d’enfants précoces présentent cette forme de dysgraphie du fait du décalage entre maturation intellectuelle et la maturation motrice. Leur côté perfectionniste fait qu’ils s’appliquent, mais ne peuvent accélérer,  ils souffrent d’autant plus qu’ils ressentent très fort un sentiment d’injustice.

Cependant il ne faut pas confondre dysgraphie réelle et maladresse de l’écriture engendrée par  un apprentissage déficient de la calligraphie ou encore par des difficultés orthographiques (l’enfant essayant de cacher ses fautes d’orthographe en négligeant les formes). Seul, un bilan instrumenté et précis effectué par un professionnel, peut faire la différence.

  • Le travail du graphothérapeute:

         Vous avez vu tout à l’heure quelques résultats du travail du graphothérapeute, je vais donner quelques précisions :

Comment reconnaître un enfant dysgraphique, en dehors du bilan évoqué ?

Dès le 1er entretien, tous les enfants  dysgraphiques, sans exception, disent qu’ils n’aiment pas écrire, quelques uns ne veulent pas écrire, ils préfèrent l’oral, ils disent aussi ne pas aimer leur écriture, d’autres montrent suffisamment de lucidité pour trouver que cette écriture-là ne leur ressemble pas. Certains, même très jeunes, peuvent me dire : « ça, ce n’est pas moi  »

            Certains enfants ne peuvent pas tenir un crayon, d’autres ne peuvent même pas poser la main sur la table, peu savent localiser avec précision, le seuil de leur douleur, y compris chez les plus grands. Je vous donne rapidement quelques-unes des réflexions qui m’ont été faites, dès le 1er entretien : « Quand j’écris, c’est comme si j’avais un trou dans la main », « Quand j’écris, je ne sens plus ma main », « Le crayon, c’est mon ennemi ».

Cette douleur prend la forme d’une sorte de mal être corporel global que les enfants vont interpréter de façons diverses, sans la plupart du temps  réussir à le définir ou à en trouver la cause réelle. Ils vont dire : « Je n’aime pas l’école », avant d’avouer au bout d’un certain temps que, simplement, ils n’aiment pas écrire.

Au bout de quelques séances, ils prennent conscience qu’écrire provoque une douleur mieux localisée dans l’un des segments de leur bras.

La douleur physique remonte souvent au moment où ils ont dû se saisir d’un crayon et ils ont traîné cette douleur avec eux tout au long de leur scolarité, mais elle s’est transformée et ils l’ont traduite à leur manière.

 Que recouvre cette douleur ? Elle recouvre le refus, la colère, la peur, le manque d’assurance, l’humiliation de ne pas être à la hauteur d’une tâche qu’ils reconnaissent comme simple et qu’ils traitent par le mépris pour garder la face. Exemple : « L’écriture, ça ne sert à rien ».

L’écriture est projection de soi, elle est un miroir, elle est l’expression de nos affects, de notre sensibilité, en un mot, de ce que nous sommes. La prise en charge ne sera donc pas simplement mécanique, ni physique. La séance n’est pas une leçon d’écriture, mais est un temps de détente et de prise de conscience où les enfants reprennent contact avec leur corps,  leurs sensations,  c’est un temps où ils vont pouvoir construire un espace qui leur appartient. La séance est aussi un lieu de parole. Il s’agit de changer la relation que l’enfant a, avec l’écriture, en un sens, il s’agit d’apprivoiser le geste qui va produire cette écriture. Une petite fille de 8 ans en CM2 m’a dit récemment après quelques séances: « C’est comme si mon index se réveillait ».

Bien évidemment, quand l’écriture évolue, l’enfant évolue aussi et l’une des raisons de l’arrêt de la rééducation, toujours décidé par l’enfant lui-même et par sa famille en accord avec moi, est une meilleure adaptation à l’école et de bien meilleures performances scolaires. Pour autant, l’évolution des résultats et du rapport de l’enfant à l’école n’est pas le seul résultat. Le plus souvent, l’enfant est plus à l’aise, plus détendu, et entretient de meilleures relations avec les parents et avec les autres en général.

Je voudrais tout de suite rassurer les personnes qui, comme je l’ai entendu, pourraient penser que nous, graphothérapeutes, faisons acquérir à l’enfant une écriture stéréotypée : des parents m’ont dit : « Alors, vous allez lui imposer une écriture »,  un enfant de 7 ans m’a dit : « Mais moi, je veux la garder mon écriture, je ne veux pas que tu me la changes ». Le graphothérapeute n’impose pas un modèle calligraphique à son patient même si ce modèle est la référence de base. Grâce à la relation qu’il entretient avec son patient, il aide celui-ci à établir un rapport nouveau à son corps donc ici, à son écriture. Notre rééducation de l’écriture est aussi une rééducation par l’écriture.

18ème écran (évolution d’une rééducation pour montrer que l’écriture n’a pas changée et garde ses caractéristiques de départ, ce qui a disparu, c’est le malaise)

L’enfant acquiert la possibilité de se dégager de l’état de tension, de contrainte, de crispation dans lequel l’entretient son malaise à écrire, pour lui permettre d’accéder à une écriture plus souple, plus déliée, plus lisible, plus rapide.

 [Quand, au bout de 5 séances, l’enfant me dit : « ça y est la maîtresse ne m’enlève plus 2 points à ma dictée à cause de l’écriture », je sais que nous sommes sur la bonne voie.

J’ai un autre cas d’enfant de 6ème avec un an d’avance, qui refusait d’écrire à l’école, qui ne faisait pas ses devoirs à la maison, qui commençait donc à être catalogué « cancre » et qui après 15 séances, a terminé l’année avec 16/20 de moyenne, parce qu’il a vu la vitesse de son écriture passer de  76 lettre/mn à 96, mais qui surtout, s’est arrêté de souffrir, donc a pu terminer ses contrôles, relire les dictées, faire ses devoirs les soirs sans « se rouler sur le tapis », comme m’ont dit les parents lors de notre dernière séance.]

  • Dysgraphie et précocité :

J’ai lié dysgraphie et précocité au début de mon exposé, cependant, il ne faudrait pas en tirer la conclusion que tous les précoces sont dysgraphiques, ou qu’un enfant  dysgraphique est nécessairement précoce. Beaucoup d’enfants précoces ont une évolution parfaitement harmonieuse.  Que se passe-t-il donc pour certains enfants précoces ?

Les deux premières observations, que je fais, presque systématiquement, lors de ma première rencontre avec un enfant précoce, se résument en 2 mots : décalage et blocage à tous les niveaux. Je vois presque toujours un enfant tiraillé entre des idées, des rêves, des désirs qui le dépassent et qu’il ne peut assumer, parce que, s’il a quelquefois une certaine maturité intellectuelle, une facilité de compréhension surprenante, il n’a pas eu le temps de passer par des étapes de maturation physique, ou de structuration et de consolidation psychiques.

Les enfants précoces me paraissent vivre dans un monde d’idées qu’ils peuvent manipuler à leur guise, sur lequel ils ont tous les pouvoirs. Ils racontent, qu’en arrivant à l’école primaire, ils ont été plongés dans un univers de contraintes fortes auxquelles ils n’étaient pas préparés. Si à l’école maternelle, ils ont, quelquefois, réussi, à échapper aux exercices de graphisme, à l’école primaire, ils se sont trouvés devant  la 1ère difficulté sérieuse,  c’est-à-dire, la nécessité de se conformer à des règles fortes et intangibles. Il faut bien, un jour, se rendre à la réalité, un « a » ne se prononce pas comme un « o », donc un  « a » ne s’écrit pas comme un « o ».  Ils se trouvent dans une situation où leur intelligence ne lui sert à rien. Si peu que les enfants qui l’entourent soient plus rapides que eux, et puissent, mieux qu’eux, répondre aux exigences de l’enseignant, ils vont se trouver blessés. Ils en concevront d’autant plus de rancoeur qu’ils sont volontiers perfectionnistes sous des dehors désinvoltes.

Les enfants dysgraphiques précoces que je rencontre présente un décalage entre maturation motrice et capacités intellectuelles. Ils montrent la tonicité d’enfants plus jeunes, leurs doigts ne sont pas indépendants les uns des autres, ils écrivent avec le poing crispé, les doigts n’ont aucune souplesse, la crispation, qui peut prendre la forme d’une crampe, affecte parfois l’ensemble du bras jusqu’à l’épaule. Ils présentent des syncinésies, c’est-à-dire que des contractions involontaires d’un muscle ou d’un groupe de muscles apparaissant alors qu’un autre mouvement volontaire ou réflexe est effectué, et ceci, souvent même jusqu’à un âge avancé, 12 ou 13 ans, (j’ai même l’exemple d’un garçon de 15 ans, élève de seconde, qui montre encore des syncinésies de la bouche et de la main gauche lors de l’écriture), alors qu’elles disparaissent généralement vers 5 à 6 ans. C’est un peu, comme si ces enfants avaient privilégié, dès leur plus jeune âge, un certain type de fonctionnement facilement valorisant, au détriment d’un autre plus difficile à acquérir, qui aurait engagé leur rapport au corps.

Je posais la question plus haut : que se passe-t-il donc pour certains enfants précoces ? La fréquentation de ces enfants m’incite à émettre quelques hypothèses théoriques.  Ils semblent avoir négligé un type d’évolution qui les aurait amenés à gagner une véritable autonomie, ils ont comme une nécessité de régresser, de se maintenir dans une position infantile, même quelquefois de nourrisson. Ils conservent un fonctionnement qui leur interdit de se libérer corporellement, ils sont toujours liés à ce qui s’est passé avant, peut-être dans un souci d’autoconservation.

            Mon hypothèse de travail est que la graphothérapie est une thérapie du lien : : l’enfant précoce dysgraphique ne lie pas ses lettres ou très mal, du verbe lier,  il a du mal à nouer des relations, des liens avec le groupe, il est comme délié de ses propres sensations.

 La dysgraphie provient d’un trouble du lien, il a été trop fort, ou trop ténu, en tout cas accidenté, ce trouble, l’enfant choisit de le manifester par un malaise corporel. C’est une douleur mentale que l’enfant transpose en douleur physique, en tout cas en malaise physique.

Notre travail va consister à l’aider à renouer avec son écriture, c’est-à-dire, avec lui-même, donc avec les autres, par des exercices de détente, de prise en compte et d’analyse fine de la douleur, toujours en lien avec le graphisme. C’est par la relation qu’il noue avec le thérapeute qu’il va pouvoir dépasser le malaise. C’est le passage par des formes imposées et stables, qui va constituer pour lui l’étayage  dont il a besoin pour se détacher de la liaison fusionnelle passée. Il va pouvoir acquérir une compétence nouvelle, complémentaire de celles, nombreuses, qu’il possède déjà. Le geste du déroulement cursif, c’est le geste de la représentation de soi.

3/Conseils au moment de l’apprentissage de l’écriture: (photo)

Les enfants précoces dysgraphiques ne savent pas se « poser », ils n’ont qu’une notion très approximative du confort, ils ne mettent pas de mots sur leurs sensations: ils arriveront en T-shirt en plein hiver, les mains violettes, gelées et soutiendront qu’ils n’ont pas froid.

Un enfant dysgraphique se repère aussi, et c’est presque une constante, à sa difficulté  à trouver le geste adapté, la position adéquate, au moment de l’écriture. Nous voyons les positions les plus fantaisistes et les plus inconfortables.

Je vais me permettre de donner quelques conseils qui vont peut-être paraître superflus, au plus grand nombre, mais mon expérience quotidienne m’incite à  penser que ces conseils peuvent servir à quelques uns.

Donc, au moment de l’apprentissage, grande section, CP,  l’important sera de faire acquérir un bon geste,  une position de la main qui permettra la justesse du geste. Ces quelques conseils valent, évidemment, pour tous les enfants  qui apprennent à écrire, qu’ils utilisent la main droite ou gauche.

            – la tenue de l’instrument : les doigts ne sont ni trop loin, ni trop près du bout du crayon qui est tenu entre le pouce et l’index, le majeur soutenant le corps de l’instrument qui repose en arrière au fond de la commissure entre le pouce et l’index, l’annulaire et l’auriculaire sont légèrement  repliés ;

            – la main est dans le prolongement du bras, ni trop à plat, ni trop ouverte, elle est maintenue en position oblique par rapport à la table ;

            – la main doit glisser de façon à ce qu’elle reste constamment sous la ligne écrite, ce qui est très important aussi pour les gauchers. Il faut absolument éviter la position du bras en crochet au-dessus de la ligne, ce qui provoque de nombreuses crispations.

            – la main qui n’écrit pas, tient la feuille.

La position de la feuille :

  • si l’enfant est droitier, la feuille sera inclinée à gauche, pour que l’avant-bras se déplie en rotation naturelle sans effort. Si l’enfant est gaucher, la feuille sera inclinée à droite

La position du corps :

  • le coude est le point de repère pour régler le niveau de la table,
  • la tête est légèrement penchée en avant dans le prolongement du corps
  • l’avant-bras et le coude sont totalement posés sur la table,
  • le corps ne se trouve pas collé à la table, mais à environ 1 à 2 paumes de la table, pas plus.

Vous le savez comme moi, un enfant, surtout un enfant précoce,  ne doit jamais être livré à lui-même quand il apprend à écrire, et cela, pour plusieurs raisons :

  • parce qu’il voit le geste dans sa globalité, il faut l’aider à analyser le geste, à le décomposer,
  • parce qu’il procède le plus souvent à l’opposé des conventions instaurées par les adultes : par exemple, je vois fréquemment des enfants qui « remontent » les traits verticaux, au lieu de les « descendre », ou bien d’autres qui repassent plusieurs fois sur les oves (des « a », des « o », des « d », des « g »…). Le résultat est convenable, mais le tracé a été fait à l’envers ou avec un manque total d’économie du geste, ce qui va le ralentir.
  • parce que l’enfant précoce ne va pas spontanément copier le geste de l’enseignant, il ne va pas  non plus respecter les conseils ou au moins, il va questionner leur bien fondé, il faudra alors l’accompagner, y compris en lui tenant la main pour qu’il fasse le geste dans le sens de la plus grande efficience.

La méthode la plus simple est la cursive  appelée « anglaise ». Certains gestes graphiques facilitent la liaison des lettres, l’accélération du mouvement, la rapidité d’exécution, comme par exemple, le tracé de  chaque lettre en une seule fois, l’écriture  d’un mot sans s’arrêter après chaque lettre  pour mettre les points et les accents mais les mettre, en fin de mot, en ne levant la main qu’une fois.

Si vous enseignez dans une classe où l’apprentissage de l’écriture est supposé être terminé, c’est-à-dire après le CE2, et que vous vous posez des questions à propos de l’écriture d’un enfant,  voici un repère simple, facile à déceler et fiable à 90 °/° :

* Un élève qui écrit mal ou qui fait trop d’efforts, qui se fatigue, qui semble souffrir, qui est en difficulté scolaire, qui est stressé, qui renâcle dès qu’il s’agit de prendre un crayon, est probablement dysgraphique.

*Un élève qui s’arrête d’écrire en cours de page, qui a du mal à finir les devoirs, qui se frotte la main, qui secoue la main, est en train d’essayer de détendre une tension, il est peut-être dysgraphique.

Pourquoi ? Un enfant dysgraphique n’est pas maître de ses gestes, son blocage, ses crispations, sa douleur, même s’il ne sait pas la mettre en mots, ne lui donnent pas la liberté de réaliser ce qu’on lui demande. Les parents, les enseignants nous disent: «  Mais quand il s’applique, il écrit bien », oui,  il peut lui arriver de réussir un travail correctement, à condition d’écrire lentement, de ne pas être stressé, ni fatigué, et de toute façon, il ne peut pas prolonger son effort très longtemps. Plusieurs enfants m’ont dit récemment : « Dès que je prends un crayon, je me sens faible ».

Donc, évitez, dans la mesure du possible, de souligner publiquement les défauts d’écriture, de faire recopier, de donner du travail supplémentaire, en un mot, essayez  de créer autour de l’écriture un climat positif pour ne pas renforcer le traumatisme existant. S’il écrit mal, il ne le fait pas exprès, s’il s’arrête d’écrire, il a sûrement mal.

En conclusion, je veux enfin dire, qu’il serait coupable, à mon avis, de négliger l’écriture sous prétexte que les nouvelles technologies de communication permettraient d’exonérer de l’apprentissage de l’écriture manuelle, comme je l’entends parfois.

J’en veux pour preuve la recrudescence de propositions de cours de calligraphie de toutes sortes, comme si les utilisateurs recherchaient ce contact avec la feuille par le crayon, la plume, le pinceau, contact que l’usage mécanique de l’ordinateur entrave. Je pense qu’il ne faut pas priver l’enfant de la chance d’acquérir une compétence dont il aura besoin un jour ou l’autre, même s’il sait se servir du clavier, mais surtout, je pense qu’il ne faut pas le priver d’intégrer une nouvelle capacité qui va lui permettre de dépasser un déficit physique. L’écriture est à la charnière entre fonctionnement physique et fonctionnement psychique, lui permettre de faire advenir cette pratique ou de la restaurer,  peut aider l’enfant précoce dysgraphique à dépasser un trouble corporel réel, afin qu’il puisse accéder à un stade supérieur de son évolution, l’évolution symbolique.

[Je voudrais m’attarder quelques instants sur ce problème de méthode, même si je crois qu’aucune méthode d’apprentissage n’est préconisée dans les IUFM (le Ministère le d’Education nationale avait organisé un concours en 2002 pour, je cite  « fournir aux enseignants des écoles maternelles et élémentaires quelques exemples d’écritures  donnant à l’enfant la possibilité d’accéder à une écriture cursive suffisamment rapide pour permettre la copie ou la prise de note, grâce à des caractères réguliers et lisibles », le ministre a changé, la méthode retenue n’a même pas été diffusée)].

L’écriture est aussi, une pratique utile dans les échanges sociaux, qui engage l’enfant dans la vie sociale. Les enfants précoces dysgraphiques que je rencontre, ont généralement appris à lire sans problème,  en revanche, l’écriture  les oblige à quitter le monde imaginaire dans lequel ils se réfugient encore, pour les faire entrer dans un monde de contraintes, elle cherche à leur faire acquérir des formes stables, qui vont avoir un sens précis. Ils ont généralement compris à quoi pouvait servir la lecture. Avec l’écriture, ils se trouvent, soudain, devant ce qui leur paraît une tâche vide de sens et qui leur demande un effort alors que jusque-là, ils avaient appris sans s’en rendre compte.  J’ai souvent remarqué, d’emblée, que l’enfant précoce montre qu’il sait, ou croit qu’il sait. Avec l’écriture, il est devant une situation incompréhensible pour lui, en vérité il ne comprend pas ce qui lui arrive, y compris dans son corps.

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